- Monsieur le duc, par Bernard Dimey
Dans un cercueil en bois des îlesMonsieur le Duc a pris congéDes quelques trois cents imbécilesQu’il appelait « mes bons sujets ».Mourir n’est pas toujours facile,Monsieur le Duc fit ça très bien,Sans grandiloquence inutile,Entre ses piqueurs et ses chiens.N’aimant que la chasse et les filles,Certain de partir sans péché,Il confessa trois peccadillesPour ne pas froisser son clergé.Ensuite, allant vite en besogneIl déshérita ses neveux,Sourit aux forêts de Sologne.Un valet lui ferma les yeux.Alors tous ces mangeurs de terre,Ceux qui s’échinent sans arrêt,Des bientôt conscrits aux grands-pères,Se sentir’nt tout désemparés.Le fléau de leur existenceVenant enfin de les quitter,Ils eur’nt des mots de circonstancesD’une grande imbécillité.Les métayers durs à l’ouvrageQue le Duc égorgeait à blanc,Toutes les fill’s du voisinageAuxquelles il faisait des enfants...La vieille qui lavait son linge,Le valet qui soignait ses chiens,Ceux qu’il payait en monnaie d’singeVenaient en dire un peu de bien,Qu’il fût une ignoble canaillePour qui rien n’eut jamais de prix,Un être sans coeur ni entrailles,Leur était sorti de l’esprit.On vint apporter par brasséesLes plus belles fleurs des jardins.Ce fut une belle journéeMais lourde d’un bien gros chagrin...Dans un cercueil en bois des îlesMonsieur le Duc a pris congéDes quelques trois cents imbécilesQu’il appelait « mes bons sujets ».
“Je ne dirais pas tout”
Extrait du CD “La mer à boire”