Bernard Dimey

Jac Kallos

mercredi 12 octobre 2011

Fantômes parisiens
À la mémoire de Bernard Dimey

Quand Dimey, au Gerpil, en promenant son ombre
devise avec Simon, histoire de badiner,
du bon temps où Mémère avalait sans encombre
quatre ou cinq pastagas avant de déjeuner,
remontant, titubant, vers la rue des Abbesses
son spectre bienveillant taquine les putains
qui chassent le client en ondulant des fesses
puisque tout leur viatique est dans leur popotin !
 
Tout là-haut il rencontre à la place du Tertre
quelques faux Utrillo devant leur chevalet
qui peignent jour et nuit sans jamais se démettre
feu le Bateau lavoir pour quelque vieil Anglais.
Il s’assied au bistrot et invite à sa table
Guillaume Apollinaire et ils parlent de Lou
qui jadis lui faisait des trucs inimitables
à fair’ damner cent fois monseigneur Dupanloup !
 
Puis pour changer un peu il descend vers la Seine,
choisissant avec soin son indécis parcours
afin de rencontrer tandis qu’il se promène
tant d’esprits égarés dont le temps n’a plus cours.
En chemin à mi-voix il redit son bestiaire
où s’entasse une faune d’amis disparus ;
en égrenant leur nom comme on lit son bréviaire
il célèbre à l’envi cent destins incongrus.
 
Aux nymphes de Goujon, il boit à la fontaine,
évoque du Bellay avec Germain Pilon
et le cœur d’Henri II qui bat la prétentaine
tandis que rôde encore l’amante de Villon.
Depuis le pont des Arts il salue au passage
le Vert-Galant qui rêve à ses amours d’antan
et descend de cheval et, pour tourner la page
embrasse Ravaillac : « Je n’ai plus mal aux dents ! »
 
Notre-Dame à l’envers tremblote à l’eau du fleuve
sur un rythme bien lent pour bercer un clodo
qui s’endort sur le quai sans que rien ne l’émeuve
tout en crevant de faim… le rouquin a bon dos !
Il flâne encore un peu, mais quand le jour arrive
chassant le noctambule à l’heure des regrets,
sur la pointe des pieds le poète s’esquive
comme il quittait jadis, discret, les cabarets.

© Jac Kallos, Chansons grises


Jac Kallos est un visiteur du site, qui m’a envoyé son poème en octobre 2011, juste quand j’ai commencé à reconstruire le site. Merci à lui et visitez son site Le site de Jac Kallos.

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