- Au Lux-Bar, dit par Bernard Dimey
- Dessin d’Yvette Cathiard
Les feignants du Lux-Bar, les paumés, les horribles,Tous ceux qui, rue Lepic, vienn’nt traîner leurs patins,Les rigolos du coin, les connards, les terriblesQui sont déjà chargés à dix heur’ du matin...Les racines au bistrot, ça va pas jusqu’à Blanche,Et même les Abbesses, ils ont jamais vu ça !Avec dix coups d’rouquin ils se font leur dimancheEt je les aime bien, je n’sais pas trop pourquoi.Y a Jojo qui connaît des chansons par centaines,Qui gueule comme un âne avec un’ voix d’acierEt sur un ch’val boiteux va bouffer tout’ sa s’maine,Qui crèv’rait si demain on supprimait l’tiercé,Et l’Patron du Lux-Bar, c’est l’Auvergne en personne,Bien avant d’savoir lire il savait d’jà compter,Mais tous les habitués viennent pour la patronneEt lui, le malheureux, s’en est jamais douté !Et puis y a les souris des rues avoisinantesAu valseur agressif, au sourire accueillant,Qui font toujours la gueule et sont toujours contentes,Qui racontent leur vie en séchant leur coup d’blanc.Au Lux-Bar on s’retrouve un peu comme en famille ;L’poissonnier d’à côté, çui qui vend du requin,Vient y boir’ son whisky parmi les joyeux drillesQui ne sont rien du tout, mais qui sont tous quelqu’un.Les copains du Lux-Bar, les truands, les poètes,Tous ceux qui dans Paris ont trouvé leur pat’linAu bas d’la rue Lepic viennent se fair’ la fêtePour que les Auvergnats puissent gagner leur pain.
“Le milieu de la nuit”
Extrait du CD “La mer à boire”
Le Lux-Bar existe toujours mais c’est plus la même ambiance que du temps de Dimey.
Il se situe au coin de la rue Lepic et de la rue Coustou. À deux pas de la place Blanche. Quand on sait, on savoure encore mieux le « ça va pas jusqu’à Blanche »...